[re]présentation, vingt-deux épreuves à la gélatine argentique, 28 x 35.5 cm/chaque image; installation : 200 x 120 cm, 2013
« [...] pour bien voir une photo, il vaut mieux lever la tête ou fermer les yeux » Roland
Barthes, La Chambre Claire
Une [re]présentation photographique n’a rien à voir avec la « réalité » et la « vérité ». Peut-on dire la même chose des [re]présentations « textuelles » (formées de mots)? Prennent-ils plus ou moins d’importance? Qu’arrive-t-il lorsqu’une [re]présentation « textuelle » est photographiée et devient aussi une [re]présentation « visuelle »? Si un texte est juxtaposé à des images, sera-t-il lu/vu/compris comme la description des images qui suivent? Et une [re]présentation latente sur une pellicule est-elle toujours une [re]présentation? Si un texte est juxtaposé à cette pellicule « exposée », sera-t-il lu/vu/compris comme la description de ces dernières? Cependant, en étant là, « fixé/apposé » dans un cadre juxtaposé aux images, il ne peut pas être le « négatif » d’où viennent les images qui suivent puisque ces dernières auront été fabriquées à partir d’images qui ne sont plus latentes, mais bel et bien transformées en forme négative par le procédé de développement d’une pellicule. Alors, où se trouve la présentation de ce qui est représenté?
Textes photographiques:
(série I) L’horizon est voilé par un épais brouillard. Le ciel rejoint les vagues qui clapotent en douceur. Le ciel, la mer, le brouillard ne peuvent être distingués l’un de l’autre sauf en plissant les yeux afin de faire apparaître au loin la toute petite ligne subtile du large, de l’horizon. Le vent doux transporte le parfum de la mer tout en traînant avec lui une fine bruine qui enveloppe chaque respiration d’une moiteur fraîche. Les vagues font entendre leur ballotement paisible. Malgré ce temps incertain, la tranquillité règne.
(série II) La lourdeur de l’hiver a légué au marais son allure ensommeillée. Sa longue tignasse brune d’herbe somnole dans la chaleur du soleil printanier tout en laissant percer le doux parfum des jeunes pousses qui tentent de le sortir de sa torpeur. Quelques oiseaux survolent ce vaste duvet qui se dégourdit tout doucement. D’élégantes crevasses d’eau se font voir ici et là et alimentent son réveil vernal. Le bleu du ciel, le gris des nuages, le brun des herbes et le vert des pousses sont en parfaite harmonie.
(série III) Les feuillus tanguent au rythme des bourrasques produisant un arôme estival. Entre les arbres majestueux du premier plan, le coeur du boisé d’un noir parfait se fait voir. Les grands troncs munis de bras élégants se distinguent par différents tons de vert. Le reste de la formation se laisse transporter dans un état de sérénité sauvage. Seules les bêtes y nichent en tout confort, chacun prenant sa place dans cette forêt immaculée. La symphonie des arbres et des bêtes livre une cacophonie harmonieuse.
Punctum : sept approches photographiques / Punctum: Seven Photographic Practice
Galerie d'art Louise et Reuben-Cohen, Moncton, NB
2013